Comme cela fait du bien de vider son sac et de prendre un peu de recul sur son activité de blogueur, je vous propose de faire l'inventaire des différentes manières de percevoir son manque d'influence sur la toile. Mon but n'est pas tant de susciter la compassion que de démasquer les quelques blogueurs influents qui se tripotent le nombril avec délectation (ils sont faciles à reconnaître puisqu'ils jurent de ne pas se le tripoter tant que ça).

Bouteille à la mer

La liste qui va suivre est le fruit d'une bonne année et demi d'observations, d'expérimentations, d'interventions loupées ou réussies. Je ne propose ni de solutions miracles, ni de méthodes pour devenir influent, tout simplement parce que ne l'étant pas, je ne saurais juger ni de leur efficacité, ni du bien-fondé de vouloir le devenir. Car vu de l'extérieur, le microcosme dans lequel s'enferment les blogueurs célèbres (particulièrement en France) ressemblent à s'y méprendre à une cour de récréation.

Ainsi, vous savez que vous n'êtes pas un blogueur influent lorsque :

1. Vous appelez fébrilement les gens à laisser des commentaires sur votre blog : à priori, il semblerait que les commentaires appellent les commentaires. On espère créer un cercle vertueux en en quémandant. Cela semble assez peu efficace, mais le simple fait de récolter un commentaire vous rassure puisque le précédent, vous l'aviez mendié trois mois auparavant.

2. Votre blog prend lentement du galon, ou au contraire s'enracine. Vous demandez donc de l'aide à une poignée de blogueurs influents : par email, sur Twitter, via le formulaire de leur blog, ou en laissant des commentaires. Vous jaugez ainsi leur intérêt pour vous en fonction du fait qu'ils vous répondent, ou pas. Certains répondent mais déclinent la demande d'aide, en prétextant le manque de temps et avec un tact tout ce qu'il y a de plus relatif. La plupart ne répondent pas. Et pendant ce temps, vous contemplez leurs chronophagiques frasques sur Twitter.

3. Sur Twitter, votre nombre de followings est largement supérieur à votre nombre de followers. Par le truchement de ce levier, vous espériez créer votre répertoire, votre réseau, en comptant sur la philanthropie de quelques généreux blogueurs influents (ils existent !). Alors vous tendez tant bien que mal à avoir autant de followers que de followings pour maintenir un ratio séduisant. Mieux : vous tentez d'inverser la tendance. Mais en vain. Et vous avez honte de redouter la prochaine épuration de comptes spams lancée par Twitter puisque cela diminuera votre nombre de followers. 

4. D'ailleurs sur Twitter, vous prenez consciencieusement le temps de remercier les retweets et de répondre à tous vos replies. Vous soignez vos followfridays pour n'oublier personne et envoyez de temps à autre des bouteilles à la mer en réagissant - dans le vide - aux tweets des blogueurs influents. Et tandis que les plus décomplexés s'autocongratulent grassement de leur dernier buzz à un demi-million de visiteurs la recette, vous comptez sur les doigts d'une seule main vos visiteurs connectés.

5. Vous checkez vos statistiques plusieurs fois par jour. Vous passez plus de temps à rafraichir votre tableau de bord sous Google Analytics qu'à bloguer, et ça vous enrage car la procrastination vous guette et gagne du terrain sur votre emploi du temps. Or, vous bloguez pour être lu. Si vous n'êtes pas ou peu lu, alors la motivation s'effondre et la courbe du nombre de pages lues avec...

6. Pourtant bien que vous soyez accroc a vos statistiques, vous ne connaissez pas vraiment votre nombre de visiteurs uniques mensuel puisque votre perception n'est qu'à court terme. Dans ces conditions, difficile d'observer une tendance mensuelle. Tout au plus, elle est hebdomadaire voire quotidienne. Au moindre sursaut, vous faites des plans sur la comète : "Allez, si je fais plus de 500 visiteurs par jour pendant deux semaines, j'organise un concours !".

7. Sauf que vous démarchez vous-même les boutiques et autre e-commerçants pour obtenir les lots (gratuits) de votre concours : sur un malentendu, vous pourrez peut-être glaner des places de cinéma ou des sacoches pour netbook. Mais il y a pire : vous achetez vous mêmes les lots - pour créer le buzz - puisque les boutiques ne vous répondent pas (ou extrêmement rarement). Douce utopie d'avoir songé à le faire avec les gains des publicités que vous diffusez...

8. Il est difficile d'imaginer que vos gains AdSense puissent couvrir bien plus que la dépense d'une demi sucette même pas de marque Chupa Chups. Vous avez du mal à envisager qu'il soit possible de générer plus de 0.05 euro/jour. Quand bien même vous auriez quelques centaines de précieux visiteurs supplémentaires, gagner 20 euros par mois vous sembleraient la panacée. Vous vous intéressez donc aux classements, au moins ça ne coûte pas cher.

9. Vous boudez le classement Wikio en prétextant qu'il ne sert a rien : vous êtes passés - sans comprendre exactement pourquoi - de la 20000ème à la 2000ème place et le constat reste le même. Vous passez sur Blogonet qui flatte un peu mieux votre ego et glanez quelques centaines de places. Bien sûr, ça avance, vous progressez, mais vous vous demandez si vous bloguerez encore dans cinq ans, quand vous serez entré dans le top 1000. En réalité, vous comprenez que la vraie barre se situe à la 100ème place, à laquelle les blogueurs commencent à parler "d'e-réputation".

10. Pour vous, l’e-réputation est une notion vague, sans réel enjeu concret. À tort, vous vous représentez cette notion comme étant le Saint-Graal des blogueurs pédants et adorant taper leur nom dans les moteurs de recherche. Lorsque vous googlez votre nom, il n'y a guère que votre compte Copain d'Avant (ouvert en 2000) qui ressorte. Pourtant vous œuvrez inlassablement pour rester actif sur vos comptes Twitter et Facebook. Comble : même un de vos homonymes que vous ne connaissez ni d'Eve, ni d'Adam se révèle mieux référencé que vous...


Vous connaissez l'adage ? S'attaquer à un problème, c'est déjà commencer à le résoudre. Ainsi si vous vous êtes reconnus dans ces dix façons de percevoir votre manque d'influence, alors il ne devrait pas être insurmontable de prendre leur contre pied et d'y remédier. Par ailleurs, ceux qui liront en diagonal n'auront peut-être vu qu'une attaque en règle contre cette caste très fermée des blogueurs influents. Heureusement, quelques-uns sortent clairement du lot : ils ont une approche plus américaine du blogging, orientée sur l'efficacité et l'ouverture, plutôt que sur la chasse gardée et le secret quasi professionnel.

Courage !